Connaissance des textes de loi par les organisations de la société civile pour une meilleure implication dans la gestion et l’utilisation des pesticides en agriculture au Togo.

Introduction

L’agriculture est la source principale des denrées alimentaires et assure la sécurité alimentaire dans la majorité des pays y compris le Togo. Cette agriculture est confrontée à des attaques de parasites et de ravageurs (Gbénonchi MAWUSSI, 2008 ; Amadou DIARRA, 2015) [1]. L’Etat soutient cette agriculture et met en place des politiques pour garantir la productivité et assurer cette sécurité alimentaire.

Ainsi ont été mises en place des institutions comme l’Institut Togolais de Recherche Agronomique (ITRA), l’Institut de Conseil et d’Appui Technique (ICAT), la Direction de Protection des Végétaux (DPV) etc. qui jouent le rôle de régulation et de formation des paysans pour une meilleure gestion et utilisation des intrants agricoles, parmi lesquels les pesticides. Un comité national de gestion des pesticides piloté par la Direction de Protection des Végétaux avec des organisations de la société civile et des organisations paysannes est mis en place pour traiter les questions liées aux pesticides.

Les entreprises et sociétés privées à but lucratif sont également mises à contribution, pour assurer la distribution et la commercialisation de ces intrants agricoles et pesticides aux producteurs. La distribution, la commercialisation et l’usage de ces pesticides sur le territoire Togolais sont réglementés par des textes de lois, votés pour une meilleure gestion et pour limiter les impacts et externalités négatives de ces pesticides sur la santé humaine, animale et sur l’environnement. Les paysans producteurs et premiers utilisateurs de ces pesticides dans les champs et sur les cultures en développement sont encadrés dans leurs actions par les organisations de la société civile (associations, ONG, organisations paysannes), acteurs d’une agriculture biologique et respectueuse de l’environnement, à travers l’approche agroécologique et le respect des normes d’utilisation des pesticides.

Cependant, l’usage excessif des pesticides est de plus en plus reconnu comme inadapté, (Pesticide Action Network, 2005) [2]. Cet usage sort des normes d’utilisation et les effets sur l’environnement sont de plus en plus néfastes et décriés pour leur toxicité (Deviller et al, 2005) [3]. Cette étude menée auprès de 50 organisations d’encadrement de la société civile, promotrices d’une agriculture respectueuse de l’environnement et répartie dans les cinq régions du Togo indiquées par la figure 1, fait ressortir comment elles sont impliquées dans l’élaboration des textes de lois relatifs aux pesticides, comment elles favorisent la connaissance et l’appropriation de ces textes de loi pour une meilleure application sur le terrain, et évalue le niveau de reconnaissance des pesticides homologués ou non sur les marchés. On note qu’elles sont moins impliquées dans l’élaboration des textes de lois, qu’elles s’approprient moins des textes, qu’elles reconnaissent certains pesticides non homologués et interdits de commercialisation sur le terrain, mais elles ne disposent pas toujours de la liste actualisée des pesticides homologués. Le rôle de ces structures d’encadrement est pourtant reconnu pour les formations, la sensibilisation et la collecte des informations aux côtés des institutions de l’Etat.

Figure 1 : Carte administrative du Togo

 

Matériel et méthodologie

2-1 Objet et conditions de réalisation

Cette étude a été réalisée dans le cadre de la promotion des alternatives aux pesticides de synthèse et a couvert l’ensemble du territoire à travers les cinq bureaux régionaux du Réseau National des Acteurs de l’Agroécologie du Togo RéNAAT, qui promeut une agriculture respectueuse de l’environnement. Ils sont installés dans chaque région, notamment la région Maritime, la région des Plateaux, Centrale, Kara et celle de la Savanes. Une centaine de structures d’encadrement, associations, ONG, organisations paysannes et entreprises agricoles, membres du réseau ont été mises à contribution sur une base volontaire.  D’autres structures non membres du réseau, mais avec une représentativité nationale comme l’Association Nationale pour l’Agriculture Biologique (ANABIO Togo) qui promeut une agriculture biologique exempt de produits de synthèses interdits d’utilisation, ont été mises à contribution. Cinquante structures ont fourni des informations. Les organisations de la société civile qui sont les utilisateurs professionnels de pesticides (commerçants, distributeurs et producteurs) ne sont pas concernés par cette étude.

2-2 Collecte et analyse des données

La méthodologie utilisée est mixte. Une méthodologie quantitative de masse a été utilisée pour comprendre et obtenir les appréciations des enquêtés à partir d’un questionnaire (Sophie Ranjard, 2005) [4] sur le sujet, et adressé aux différentes structures d’encadrement (emails), et une méthodologie qualitative a été appliquée à travers des interviews ou consultations téléphoniques auprès de certaines structures. Le logiciel Excel a permis de classer les structures d’encadrement en différentes catégories avec leur effectif dans l’échantillonnage.

A l’issue de l’enquête, une structuration et représentation graphique des enquêtés a été faite suivant le tableau 1. Tableau 1: Répartition géographique  des  structures  d’encadrement  enquêtées

3 – Résultats

Les résultats de l’étude révèlent que les structures d’encadrement des utilisateurs professionnels de pesticides ne sont pas suffisamment impliquées dans l’élaboration des textes de loi relatifs à la gestion des pesticides.  18 % des enquêtés savent que des textes de loi comme des conventions internationales, des lois nationales sont votées et des décrets d’application existent mais ne sont pas appropriés par les structures d’encadrement, pour une meilleure application auprès des producteurs. Seul 20 % de ces structures enquêtées maitrisent le contenu de ces textes de loi.  Elles ont connaissance des pesticides non homologués, interdits de commercialisation et d’utilisation, mais elles n’ont pas la liste actualisée de ces pesticides homologués. Certains pesticides connus d’interdiction de tous comme le DDT, le Glyphosate sont toujours dans les circuits de distribution et d’application sur le terrain. Aussi 100% des enquêtes estiment que les organisations de la société civile ne sont pas suffisamment impliquées dans l’élaboration de ces textes de loi et enfin 94 % estiment que les structures d’encadrement ne sont pas suffisamment impliquées dans cette lutte contre les pesticides.

3-1 Caractéristiques socio démographiques

Le genre, l’expérience et le niveau d’études sont des caractéristiques importantes dans la compréhension, l’appropriation des textes de loi et la participation à la gestion des pesticides, aux côtés des premiers acteurs que sont les commerçants distributeurs et les producteurs. L’analyse des fiches d’enquête montre que 12 % sont des femmes responsables ou cadres des structures d’encadrement sur le terrain. Parmi les enquêtés, 75% ont entre 26 ans et 36 ans et 25 % ont plus de 36 ans ; 28 % des enquêtés ont un niveau d’instruction universitaire et 22 % ont le niveau secondaire comme le montre la figure 2. Figure 2 : Caractéristiques socio démographiques des enquêtés.

 

3-2 L’implication dans l’élaboration des textes de loi sur les pesticides      

Le cadre juridique sur les pesticides et les différentes lois et conventions sont des instruments légaux des structures d’encadrement aux cotés des premiers utilisateurs. Seulement 4 % de ces structures ont une connaissance des processus d’élaboration des textes de loi contre 96 % qui n’ont aucune connaissance de ces processus. 18 % des enquêtés savent que des textes de lois nationales et des conventions internationales existent pour la réglementation et la gestion des pesticides contre 82% qui ignorent l’existence de ces textes et 96 % des enquêtés estiment que les contributions des organisations de la société civile ne sont pas suffisamment prises en compte dans l’élaboration des textes. Le tableau ci-après illustre le niveau d’implication des enquêtés.

3-2 Niveau d’appropriation des textes de loi et conventions Internationales sur les pesticides

Seulement 20 % des structures ont une connaissance des contenus de ces textes de loi contre 80 % qui ignorent leurs contenus. 100 % des structures estiment ne pas faire une appropriation des lois et conventions internationales sur la gestion des pesticides et 100 % estiment qu’ils n’existent aucune politique de vulgarisation de ces conventions auprès des structures d’encadrement pour une meilleure gestion des pesticides. Cette situation est prouvée par le tableau suivant. 

3-3 Niveau de reconnaissance des pesticides homologués ou non sur le terrain

Les travaux de terrain montrent que 90 % des structures d’encadrement savent que certains pesticides sont non homologués et interdits de commercialisation et d’utilisation sur le terrain et d’autres sont homologués et autorisés d’utilisation auprès des producteurs.  Parmi les structures, 98 % estiment ne jamais disposer de la liste des pesticides homologués ou non et 2 % estiment disposer d’une liste de ces pesticides mais n’ont pas d’actualisation actualisée. Par ailleurs, 96 % des structures estiment ne pas reconnaitre sur le terrain les pesticides non homologues. 100 % des structures estiment que les organisations de la société civile ont un rôle important à jouer dans la commercialisation et l’utilisation des pesticides par les distributeurs et les producteurs. La sensibilisation, la formation des utilisateurs et distributeurs et le monitoring sur le terrain sont les champs d’intervention des structures d’encadrement comme l’atteste le tableau ci-après.

L’endosulfan, le 4,4-dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT) et le glyphosate sont quelques exemples de pesticides non homologués, interdits de commercialisation et d’utilisation sur le territoire togolais mais cités comme toujours en circulation et illustrés par l’image ci-contre.

Discussion

L’étude sur la connaissance des textes de loi, par les organisations de la société civile pour une meilleure implication dans la gestion et l’utilisation des pesticides par les producteurs au Togo, fait suite au constat de prolifération sur les marchés des pesticides non homologués et auprès des producteurs malgré les textes de loi sur la gestion et la réglementation, les structures d’encadrement que sont les ONG, les associations et les organisations paysannes sur la thématique. Les premiers utilisateurs, que sont les producteurs et regroupements de producteurs, les distributeurs et regroupements de distributeurs et les entreprises de production de ces pesticides, qui sont appelés dans cet article les utilisateurs professionnels de pesticides ne sont pas concernés. Il est question de voir comment ces structures d’encadrement sont impliquées dans l’élaboration des textes de loi, leur appropriation de ces textes et comment elles s’impliquent dans leur application sur la gestion des pesticides.  Les caractéristiques socioprofessionnelles de l’échantillon de notre étude montrent que 12 % des responsables ou cadres de ces structures d’encadrements sont des femmes. Ce taux est faible, au regard du nombre de femmes engagées dans le secteur agricole au Togo (RNA, 2013, Volume III : 38) [5] mais montre un niveau de participation des femmes dans les structures d’encadrement aux cotés des femmes productrices.

La participation au processus d’élaboration des textes de loi, leur appropriation et leur application dans la gestion des pesticides sur le terrain, requiert de l’expérience au poste de responsabilité sur la thématique.  75 % des enquêtés ont un âge compris entre 26 et 36 ans donc très jeunes et ont moins d’expérience à faire valoir dans le processus d’élaboration des textes de loi contre 25 % qui ont un âge supérieur à 36 ans et plus. La plupart des documents et lois existants actuellement au Togo sur les pesticides sont vieilles, inadaptés avec la dernière loi votée en 2008. Ceci explique le faible taux soit 25 % de participation au processus d’élaboration.

En plus de l’expérience, la participation au processus et la contribution aux actions nécessitent une bonne connaissance et compréhension du rôle des acteurs et un certain niveau intellectuel. Or, 56% des enquêtés, cadres ou responsables des structures d’encadrement, ont un niveau acceptable pour participer au processus et comprendre les concepts et les termes dans les textes de loi et conventions, mais aussi pour restituer et faire comprendre la portée des textes auprès des distributeurs et producteurs et partant, mieux s’impliquer dans la gestion des pesticides sur le terrain. Ce niveau élevé contraste avec la faible participation au processus d’élaboration des textes de loi et interpelle tous les acteurs, décideurs et responsables des organisations de la société civile impliqués dans la gestion des pesticides à revoir l’approche de participation.

La gestion des pesticides par une réglementation internationale et nationale à travers les conventions internationales et les textes de loi (FAO, 2013 ; Jepson PC, Guzy M, 2014) [6] a été une approche de solution pour amener les premiers utilisateurs, comme les distributeurs commerçants et les producteurs à utiliser les pesticides homologués et à respecter les doses d’utilisation pour la préservation et la protection de l’environnement. Mais, aussi pour produire des aliments sains aux consommateurs (Amadou DIARRA, 2015) [7]. Les structures d’encadrement, organisations de la société civile à travers des mécanismes, sont impliquées dans les processus d’élaboration des textes de loi et l’adoption des conventions internationales, traités et production de documents (OPED, 2021) [8]. Au Togo, il n’y a pas un processus particulier pour l’élaboration des textes de loi sur les pesticides. Mais, un comité national de gestion des pesticides est initié et mis en place sur recommandations de la CEDEAO/UEMOA/CILSS. Ce comité est créé par arrêté interministériel n° 068/16/MAEH/MERF/MSPS, du 17 mars 2016 et placé sous la tutelle du Ministère chargé de l’agriculture et est constitué des acteurs publics, privés, organisations des producteurs agricoles, organisations de la société civile, ONG, intervenants dans la filière des pesticides.  C’est un cadre formel d’échange, de discussion, d’orientation et de décision sur les questions liées aux pesticides, dans leur gestion la plus rationnelle et le plus sécuritaire au Togo. Les initiatives d’élaboration d’un texte de loi restent beaucoup plus une prérogative de ce comité. D’autres comités comme le comité national pour la sécurité chimique est aussi installé, mais moins opérationnel. Il est le cadre de concertation et de suivi de la mise en œuvre des conventions et accords internationaux relatifs aux produits chimiques. Pour la gestion des Polluants Organiques Persistants (POP), ce comité est le cadre le plus utilisé et le Comité des Produits Phytopharmaceutiques impliqué dans la gestion des pesticides. 96 % des enquêtés estiment ne pas avoir une connaissance des processus d’élaboration des textes de loi, ce qui explique que les activités et les résultats des activités du comité ne sont pas connus des acteurs impliqués dans cette étude. Un cadre législatif de gestion des pesticides existe bien à travers plusieurs lois et leurs décrets d’applications. La loi constitutionnelle et deux autres lois majeures sur la protection de l’environnement et à la protection des végétaux sont relatives à la gestion des pesticides sont à relever. La constitution togolaise du 14 octobre 1992 [9] qui reconnaît explicitement l’obligation de l’État de garantir en son article 41, le droit à un environnement sain et parlant d’environnement sain, les pesticides dans leurs usages et autres ne seraient les bienvenus. Il s’agit aussi de la loi n° 2008-005 du 30 Mai 2008 [10] portant loi-cadre sur l’environnement qui fixe le cadre juridique général de gestion de l’environnement au Togo et la loi n° 96-007/PR du 3 juillet 1996, relative à la protection des végétaux [11]. Elle interdit d’importer, de fabriquer, de conditionner ou de reconditionner, de stocker, d’expérimenter, d’utiliser ou de mettre sur le marché, tout produit phytopharmaceutique non autorisé ou homologué. Le but visé par cette loi est de mettre sur les marchés du pays et à disposition des producteurs, des pesticides les moins toxiques et les moins polluants possibles. Ces deux lois avec leurs divers décrets d’application ont résolu la plupart des questions liées à la gestion rationnelle et la prolifération des pesticides parfois non homologués sur le terrain.

Au nombre de décrets et arrêtés, plusieurs instruments existent pour la règlementation et la mise sur le marché des pesticides moins toxiques et les moins polluants possibles. Il est question de  l’arrêté n°24/MAEP/SG/DA du 30 octobre 1998  ; l’agrément professionnel requis pour l’importation, la mise sur le marché, la formulation, le reconditionnement des produits phytopharmaceutiques et leurs utilisations par les prestataires, l’arrêté n° 03/MAEP/SG/DA du 20 janvier 2000 ; l’interdiction d’importation et d’utilisation du bromure de méthyle au Togo, l’arrêté n° 30/MAEP/SG/DA du 21 septembre 2004[12] ; l’interdiction d’importation et d’utilisation d’organochlorés au Togo, l’arrêté n°31/MAEP/SG/DA du 21 septembre 2004 ; l’arrêté n°24/MAEP/SG/DA du 30 octobre 1998 portant création, attribution et composition du Comité des Produits Phytopharmaceutiques CPP ; l’arrêté n°2/MER du 15 janvier 1974  portant conditions d’introduction sur le territoire national des végétaux et matières végétales ; l’arrêté interministériel n°39/MAEP/MFP du 28 décembre 1999   fixant les modalités de recouvrement des droits de contrôle phytosanitaire des végétaux et produits végétaux à l’importation et à l’exportation ; l’arrêté n°03/MAEP/SG/DA du 20 janvier 2000  relatif à l’agrément professionnel requis pour l’importation, la mise sur le marché, la formulation, le reconditionnement des produits phytopharmaceutiques et leurs utilisations par les prestataires ; l’interdiction d’importation et d’utilisation de certains produits phytopharmaceutiques au Togo arrêté n° 0078/18/ MAEP/Cab/SG/DPV du 17 mai  2018  ; l’arrêté n°29/MAEP/SG/DA du 20 septembre 2004  portant fixation des conditions de délivrance des différents types d’autorisations d’agréments et d’homologation des produits phytopharmaceutiques au Togo ; l’arrêté n°30/MAEP/SG/DA du 21 septembre 2004  portant interdiction d’importation et d’utilisation du bromure de méthyle au Togo ; l’arrêté n°31/MAEP/SG/DA du 21 septembre 2004  portant interdiction d’importation et d’utilisation d’organochlorés au Togo. Le dernier arrêté modifiant le cadre règlementaire et juridique sur les pesticides est l’arrêté n° 183/19/MAPAH/Cab /SG/DPV portant interdiction d’importation et d’utilisation de Glyphosate et tout produit le concernant dont la période moratoire a pris fin le 31 décembre 2020.

Aux normes internationales, le Togo a ratifié plusieurs conventions et instruments juridiques relatifs à l’utilisation et à la gestion des pesticides. Entre autres, la Convention sur la diversité biologique (CDB), signée le 12 juin 1992, ratifié le 4 octobre 1995  et entrée en vigueur le 2 janvier 1996; la Convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles, signée à Alger le 15 septembre 1968 et entrée en vigueur le 20 décembre 1979 par décret n°80-27 du 26 février 1980 ; la Convention de Rotterdam sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux, qui font l’objet d’un commerce international, signée le 09 septembre 1999 (adhésion le 23 juin 2004); la Convention de Bâle sur les mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et leur élimination et son Protocole sur la responsabilisation et l’indemnisation en cas d’accident résultant des mouvements transfrontaliers des déchets dangereux et leur élimination, dont  l’adhésion a été faite le 2 juillet 2004; la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants (POP) signée le 23 Mai 2001[13] et ratifiée le 22 juillet 2004.

Ces conventions constituent un arsenal juridique pour les organisations qui doivent se les approprier dans leur travail d’accompagnement, de motivation et de veille. Cependant, l’ignorance des textes constitue un blocage pour une intervention dans les actions de développement ou de recherches. Seuls 18 % ont connaissance de ces textes et 80 % ignorent même les contenus :  ces textes de loi et conventions internationales sont des instruments juridiques, des documents de droit qui ne sont réellement à la portée des producteurs et autres acteurs du domaine agricole. Ils sont parfois inadaptés aux réalités locales : transposition des textes des pays développés inadaptés aux législations locales (Jacques G. BONOU, 2017) [14], Les plans de vulgarisation de ces conventions ne sont pas connus de tous. Ainsi, 100 % des enquêtés estiment qu’il n’existe aucune politique de vulgarisation de ces conventions auprès des structures d’encadrement pour une meilleure gestion des pesticides, et 100 % ne sentent pas l’influence de ces conventions sur les utilisateurs de pesticides. Pourtant, un Plan National de mise en œuvre (PNM) de la Convention de Stockholm sur les Polluants Organiques Persistants (POP) est mis en place et le Togo a mené une étude de faisabilité pour la mise en place d’un Registre de Rejet et de Transfert des Polluants (RRTP), qui est un inventaire cohérent et intégré des rejets et transferts de polluants surtout chimiques à l’échelle nationale. Ce registre est destiné à faciliter notamment la participation du public au processus décisionnel en matière d’environnement, et à contribuer à la prévention et à la réduction de la pollution de l’environnement par les substances chimiques toxiques afin de protéger la santé humaine. Il fournit périodiquement des données récentes et accessibles au public sur les rejets de certains polluants dans l’air, l’eau ou le sol, sur les transferts de déchets en vue de les valoriser ou de les éliminer ; et sur les transferts de polluants dans les eaux usées.

Dans la sous-région et dans le monde, seuls les pesticides homologués ou bénéficiant d’une autorisation provisoire de vente peuvent être commercialisés et utilisés. L’homologation est donc le point de départ du processus de gestion rationnelle des pesticides. Elle est un outil important de gestion des pesticides et repose avant tout sur un cadre législatif et réglementaire cohérent. C’est en effet la réglementation qui fixe les règles de “qui fait quoi, quand et comment”.  La majeure partie des enquêtés (90 %) savent que certains pesticides sont non homologués et interdits de commercialisation et d’utilisation sur le territoire et que seuls ceux qui sont homologués sont autorisés.

Le comité national de gestion des pesticides évalue les pesticides sur une période de six mois par une procédure d’homologation, et actualise la liste qui est rendue publique. Les deux dernières listes actualisées sont celle de septembre 2020 avec 144 pesticides homologués, celle de janvier 2021 avec 129 pesticides homologués, et celle d’Avril 2021 avec une liste de 149. Or une étude montre que 98 % des utilisateurs estiment ne pas disposer des listes actualisées.

Cette insuffisance ne favorise pas une reconnaissance ou une identification de ces pesticides sur le terrain auprès des producteurs (96 %). Ceci reste un problème majeur pour les structures d’encadrement promotrices d’une agriculture respectueuse de l’environnement, membres des organisations de la société civile. Ainsi par exemple, le 4,4-dichlorodiphényltrichloroéthane, dont les propriétés insecticides ont été découvertes en 1939 et qui a une persistance de plus de 30 ans dans le sol (Crowe et al, 2002) [15] est interdit d’utilisation au Togo mais il est toujours en circulation.

La place et le rôle des structures d’encadrement (observateurs ou arbitres) sont déterminants face aux utilisateurs professionnels de pesticides.  Les producteurs à la recherche de productivité sont confrontés aux réels problèmes de nuisibles, et ont recours à ces pesticides (Amadou DIARRA, 2015) [16]. Ils ont besoin des mesures alternatives développées par ces structures avec l’aide du gouvernement qui a un rôle régalien de contrôle de la gestion sur le terrain, à travers le ministère de l’Agriculture de l’Elevage et du Développement Rural. Les formations, les sensibilisations et la collecte des informations de terrain sont des rôles qui reviennent aux organisations de la société civile. Ce rôle est confirmé par 100 % des enquêtés, comme souligné dans le tableau 4.

La plupart des études portant sur les questions de pesticides se sont intéressées aux premiers utilisateurs, qui sont les distributeurs et les producteurs aux modes et les conditions d’utilisation des pesticides, leurs impacts sur l’environnementaux, la santé humaine et animale, (Kanda et al, 2013 ; Jacques G. BONOU, 2017). [17] Cette étude vient mettre en lumière l’appropriation du cadre juridique par les organisations de la société civile et l’application de ce cadre comme un outil important dans la gestion et l’utilisation des pesticides au Togo. Aussi la particularité de cette étude est de s’intéresser à des organisations qui militent sur le plan national, pour des alternatives à l’utilisation des pesticides aux côtés des producteurs pour voir leur niveau d’appropriation du cadre juridique, qui régit leur environnement et leur interaction avec les institutions étatiques et les autres organisations professionnelles travaillant sur la question des pesticides.

Cependant, cette parcellarisation n’a pas permis d’ouvrir le champ sur toutes les organisations de la société civile et de prendre en compte les utilisateurs professionnels que sont   commerçants distributeurs de pesticides et les producteurs.

Cette étude montre que les structures d’encadrement promotrices d’une agriculture respectueuse de l’environnement à travers l’agroécologie et l’agriculture biologique ne sont pas mises à contribution dans la réglementation et la gestion des pesticides au Togo. Elles doivent s’impliquer davantage dans la connaissance du cadre juridique et de l’appropriation des textes de loi pour une meilleure gestion des pesticides.

Conclusion

L’utilisation des pesticides et la prolifération des marchés de pesticides non homologués prennent de l’ampleur au Togo, une situation qui contraste avec un contexte de promotion de l’agroécologie et de l’agriculture biologique sur le continent et dans le monde. Plusieurs acteurs, notamment les organisations de la société civile, travaillent sur la gestion de ces pesticides et le pays dispose d’un cadre juridique réglementaire de gestion de ces pesticides avec des institutions mises en place et plusieurs textes de loi. Lois et décrets d’application interdisent clairement l’importation et l’utilisation de certains produits comme le glyphosate et les organochlorés. Des comités nationaux comme le comité national de gestion des pesticides et le comité national pour la sécurité chimique existent. Cependant les activités de ces institutions pour la promotion et la vulgarisation des textes de loi ne sont pas visibles et ne sont pas utilisées par les organisations promotrices de l’agriculture biologique et des alternatives aux pesticides. Les processus d’élaboration des textes de loi ne sont pas assez vulgarisés pour que ces acteurs se sentent impliqués.  Les listes de pesticides homologués sont actualisées tous les 6 mois mais ne sont pas connues de tous les acteurs. La non-appropriation des textes de loi et conventions internationales et la faible implication des acteurs expliquent la prolifération des pesticides sur le marché, parmi lesquels des produits non homologués difficiles à identifier. Les institutions et associations, qui agissent sans but lucratif, constituent des acteurs majeurs de collecte d’information, de sensibilisation et de formation. Ils se joignent aux utilisateurs professionnels, et aux organisations de commerce et de distribution des pesticides pour une meilleure réglementation et gestion des pesticides. La nécessité d’engagement et de plus d’implication dans l’appropriation des textes de loi de ces structures promotrices d’un environnement durable à travers l’agroécologie et l’agriculture biologique, serait un plus dans la bonne gestion de ces pesticides et pour limiter l’utilisation de produits non homologués.

Références bibliographiques

[1] Gbénonchi MAWUSSI Bilan environnemental de l’utilisation de pesticides organochlorés dans les cultures de coton, café et cacao au Togo et recherche d’alternatives par l’évaluation du pouvoir insecticide d’extraits de plantes locales contre le scolyte du café (Hypothenemus Hampei Ferrari, 2008)

[2] Amadou DIARRA revue des politiques sur les pesticides et les produits vétérinaires dans l’espace CEDEAO, Novembre 2015, page 11.

[3] Pesticide Action Network (2005) Pesticide Action Network, 2005, Étude d’impact socio-économique, sanitaire et environnemental de l’utilisation des POPs à Davié au Nord de Lomé (région Maritime), Togo, Rapport d’étude, Lomé, IPEP, PAN Togo, 37 p

[4] Deviller, J., R. Farret, P. Girardin, J-L. Rivière et G. Soulas, 2005, Indicateurs pour évaluer les risques liés à l’utilisation des pesticides. Paris, Ed. Lavoisier, 278p.

[5] Usages des bibliothèques : approche sociologique et méthodologie d’enquête

Livre de Claude Poissenot et Sophie Ranjard , 2005

[6] RNA, 2013, Volume III : 38

[7] FAO (2011). Produire plus avec moins. Guide à l’intention des décideurs sur l’intensification durable de l’agriculture paysanne. Rome

[8] Jepson PC, Guzy M, Blaustein K, Sow M, Sarr M, Mineau P, Kegley S. 2014 Measuring pesticide ecological and health risks in West African agriculture to establish an enabling environment for sustainable intensification. Phil. Trans. R. Soc. B

369 : 20130491. http://dx.doi.org/10.1098/rstb.2013.0491

[9] Constitution togolaise de la IVe république (Version consolidée, à jour de la loi constitutionnelle du 15 mai 2019 et de toutes les révisions constitutionnelles antérieures)

[10] Loi N° 2008-005 portant loi-cadre sur l’environnement

[11] Loi N° 96-007/PR du 3 juillet 1996 portant protection des végétaux

[12] Arrêté N°31/MAEP/SG/DA du 21 septembre 2004 interdisant l’importation et l’utilisation au Togo des organochlorés sur toutes leurs formes, notamment les polluants organiques persistants (POP) suivants : Aldrine, Endrine, Dieldrine, DDT et ses dérivés, Mirex, Toxaphène, Hexachlorocyclohexane (HCH), Chlordane et Heptachlore.

[13] Plan national de mise en œuvre de la convention de   Stockholm sur les polluants organiques persistants au  Togo FEM république togolaise  mars 2006

[14] Rapport national sur la situation des pesticides hautement dangereux (hhp) au Togo, Janvier 2021

[15] Jeacques Gbenonman Bonou. Le droit des pesticides au Bénin : conditions de mise sur le marché et la responsabilité des distributeurs. Droit. Université Sorbonne Paris Cité, 2017. Français. ffNNT : 2017USPCD077ff. fftel-02426252f

[16] Crowe AS, Smith JE, Spencer S. 2002. DDT and Dieldrin assessment and monitoring protocols for Point Pelee National Park. 71p. Environnement Canada, Institut national de recherche sur les eaux, Burlington/Saskatoon, Collection de l’INRE n° 02-007.

[17] Kanda, M., Djaneye-Boundjou, G., Wala, K., Gnandi, K., Batawila, K., Sanni, A., & Akpagana, K. (2013). Application des pesticides en agriculture maraichère au Togo. VertigO-la revue électronique en sciences de l’environnement, 13(1).

Figure 1 : Carte administrative du Togo

Source : Ministère de l’Environnement et des Ressources Forestières (MERF)

  Tableau 1: Répartition géographique  des  structures  d’encadrement  enquêtées

Régions Maritime Plateaux Centrale Kara Savane
ONG 04 05 04 05 03
Association 04 04 05 04 02
Organisations paysannes 02 04 02 01 01
Total 10 13 11 10 06

Source : Travaux de terrain, BOKODJIN, 2021

Figure 2 : Caractéristiques socio démographiques des enquêtés.

Source : Enquête de terrain, BOKODJIN, 2021.

Tableau 2: Implication des structures d’encadrement dans l’élaboration des textes de loi

 

Questions

 

Effectif des réponses favorables

 

Effectif des réponses non favorables

 

Effectif des enquêtés

 

Pourcentage % des réponses favorables

Connaissance du processus d’élaboration des textes de loi et conventions      02      48      50      4 %
Information sur le                                                  Processus d’élaboration des textes de loi et conventions      02      48      50     18 %
Connaissance sur l’existence des textes de loi et conventions                                                                        Internationales pour la Réglementation  des pesticides       09      41      50     18 %
Niveau d’implication des OSC dans le processus d’élaboration                                                                      des textes  de  loi       01      49      50      2 %

Source : Travaux de terrain, BOKODJIN, 2021

Tableau 3: Appropriation des textes de loi et conventions internationales par les structures d’encadrement.

 

Questions

 

Effectif des réponses favorables

 

Effectif des réponses non favorables

 

Effectif des enquêtés

 

Pourcentage % des réponses favorables

Connaissance des textes de loi et conventions Internationales par les structures d’encadrement        10       40       50       20 %
Politique de vulgarisation des textes de loi et

Conventions internationales                                   sur les pesticides par l’Etat et les OSC

       00       50      50       00 %
Niveau d’appropriation des Textes de loi et conventions   Internationales par les OSC        00        50      50       00 %
Possibilité d’une meilleure contribution des OSC

dans l’application des                                                                                         textes de lois et conventions Internationales auprès des utilisateurs de pesticides 

       50        00      50      100 %

Source : Travaux de terrain, BOKODJIN, 2021

Photo 1 : Images de pesticides au Glyphosate en circulation dans la région Maritime, Avril 2021

                                           Source : Travaux de terrain, BOKODJIN, 2021

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