Quel Paradigme Après Covid 19?

INTRODUCTION

Progressivement, la plupart des pays lèvent les mesures barrières et de restriction et reprennent les habitudes alors que le covid 19 qui a fait environ 400 0004 décès pour 7 000 000 de personnes infectées au jour d’aujourd’hui continue de sévir dans certaines régions du monde. Le mal aura marqué sérieusement notre siècle et notre existence. Comme une trainée de poudre, il a en quelques mois, franchi toutes les frontières, limites physiques et virtuelles que nous nous sommes constituées pour coloniser toute la planète et fait écrouler toutes les économies et paradigmes comme des châteaux de cartes. La nature envoie un message clair, qu’elle reste le meilleur régulateur et qu’il faille prendre soin de sa santé en tout point du globe et de mieux considérer la vie humaine. Le covid 19 a révélé malgré l’existence des grandes institutions et toutes les lignes directrices des objectifs de développement durable, des lacunes, des insuffisances et des inégalités dans lesquelles baigne le monde. Hormis la crise sanitaire, des crises sociales, politiques, économiques et alimentaires s’annoncent et risquent de sévir pour longtemps. C’est au moment où le monde entier recherche les solutions pour venir à bout de cette pandémie mondiale qu’est le coronavirus à travers une solidarité et un apport collectif que le président Américain DONALD TRUMP, met à exécution sa menace de sortir de la seule institution mise en place pour fédérer et orienter les politiques des différents pays en matière de santé qu’est l’organisation mondiale de la santé OMS. A laurée de cette levée des mesures de restriction, le cap de l’économie productiviste empreinte de dette climatique et d’inégalité sera-t-elle maintenue? Quel paradigme après le covid 19 ?

I – Covid 19, l’ordre mondial et les ODD

La pandémie à coronavirus avec ses victimes et toutes ses facettes imprévisibles sur la santé l’économie et le social a mis en difficulté les grandes institutions Onusiennes, outils mondiaux de contrôle, de régulation et d’orientation des différentes politiques publiques, et leur évaluation des objectifs5. Les objectifs de développement durables, ODD le meilleur baromètre6 que les acteurs du développement aient pu élaborer après les objectifs du millénaire pour le développement OMD à l’issu de plusieurs grandes et conventions Tous les objectifs mis ensemble devraient répondre efficacement et concourir au bien-être de tous. Sauf que les mises en œuvre au plan national par pays sont inefficaces et se sont noyées par les affres de la covid 19. Ils se sont avérés lacunaires dans la prévention et l’apport de solution à cette crise sanitaire dont les corolaires s’étendent sur le social, l’économie et la politique. Si les objectifs de ce paradigme sont bien clairs et les cibles bien identifiées, les outils et les mécanismes de mise en œuvre au plan supranational et national restent inappropriés. Vouloir construire ce nouveau modèle sur un ancien système productiviste et capitaliste s’avère imprudent et on ne fait que repousser les dates buttoirs. Avec covid 19, les insuffisances, lacunes, inégalités et limites de ce système sont mis à nus et il serait dommage de continuer dans cette lancée.
Certes, il ne s’agit pas de renverser la table pour tout reprendre à zéro, mais convertir les investissements vers la protection de la dignité humaine et la place de la nature.
Les financements coffrés dans des dogmes volontairement établis, des modèles agricoles productivistes qui consomment dix fois plus d’énergie qu’ils n’en produisent, les inégalités sociales avec des salaires de misère qui ne peuvent répondre aux besoins essentiels de l’être. « Si nous prenons les mesures qu’il faut, la reprise pourrait emprunter une voie plus durable et plus inclusive. Mais si les politiques sont mal coordonnées, les inégalités déjà insoutenables risquent de s’enraciner et de s’aggraver encore»; «Nous devons nous assurer que les leçons sont retenues et que cette crise représente un tournant décisif pour la préparation aux urgences sanitaires et pour l’investissement dans les services publics essentiels du XXIème siècle » (António Guterres7).
Il s’agit de libérer tout le potentiel de l’être par l’éducation et la recherche orientées vers plus d’égalité sociale et la préservation de la nature. Le développement rationnel du monde ne doit plus être une question d’experts mais une affaire de tous, de partage d’expérience et de connaissances constructives. Covid 19 appelle à une mise en ordre des systèmes existentialistes de production. Investir dans les économies sobres en carbones, les économies vertes, l’agroforesterie et l’agroécologie.
Un évènement majeur et inédit s’est produit cette semaine, du 03 au 05 juin 2020 à Bonn en Allemagne, la GLF Bonn 2020 « Global Landscape Forum8 », « conférence mondiale du paysage » sur le thème ‘’ Food in the time of crises’’. Evènement très émouvant avec des témoignages poignants qui a rassemblé plus de 5 000 participants9 à travers les quatre coins du monde avec moins d’énergie et moins d’émission de carbone en mode avion. Un modèle économique résilient à saluer et à développer. Utiliser plus les énergies propres et orienter les recherches pour la production de ces énergies vers les ressources naturelles efficientes dans leur développement.
Des réformes structurelles s’imposent et appellent à aller au-delà des théories qui s’appuyant toujours sur les modèles d’avant covid 19.
L’agroforesterie10 et l’agroécologie11 sont aujourd’hui deux modèles qui constituent la voie royale pour la séquestration du carbone dans le sol, la préservation de la santé humaine, animale, végétale et du sol. Lorsque l’agroforesterie demande par endroit 100 plants par hectare et l’agriculture biologique par endroit 20 arbres par hectare pour la préservation de la biodiversité, un des meilleurs modèle serait d’avoir 50 plants ou arbre par hectare avec l’accent sur les essences à valeur ajoutée pour la souveraineté alimentaire et nutritionnelle individuelle et collective. Ce modèle peut être aussi moteur de l’industrialisation, du commerce et de la création de richesses.
L’agroécologie principalement constitue la base de l’agriculture biologique12, une forme d’agriculture avec certification et dont les produits sont de plus en plus demandés sur le marché international. Convertir toute l’agriculture au plan international et les moyens de production vers le bio est aujourd’hui le défi important à relever. Chacun peut développer un modèle de création de richesse et mieux contribuer à consolider la richesse de l’autre. Cette philosophie en lien avec la préservation de l’environnement doit guider tout un chacun et principalement les leaders Africains.

II- L’Afrique peut davantage se faire entendre

L’Afrique n’a pas besoin de se faire imposer un modèle et encore moins qu’on l’assiste. L’assistanat ne conduira nulle part. Les USA font leur route, la Chine et la Russie font leur route, l’Europe fait son chemin. L’Afrique ne doit pas chercher à se mettre en course contre les autres. Chacun est dans son starting bloc. L’Afrique doit faire son chemin, l’Afrique doit plus oser, s’affirmer, casser les quatre murs et défendre ses intérêts, élaborer et planifier son développement. Sachons que le monde ne nous jugera pas sur ce qu’on aura envie de faire mais plutôt sur ce qu’on aura fait.
Tout le monde a compris que la faim constitue une menace beaucoup plus importante que le Covid 19 et malgré sa propagation, il faille faire avec et reprendre les activités.
Le bon sens recommande et appelle à investir dans le secteur où chacun trouve un avantage comparatif. L’Afrique a des terres fertiles avec des zones de forêt et une population jeune, une population active avec un taux de croissance qui constitue un grand marché de consommation. Alors pourquoi doit-on peiner à investir dans cet avantage comparatif, dans cette force pour créer la richesse et assurer le bien-être de tous? Pourquoi les politiques et les systèmes financiers continuent à hésiter dans le financement de l’agriculture13 en évoquant à chaque fois l’argument du risque élevé ?
Quel est ce leader politique et ce leader financier qui peut se passer des aliments, produits agricoles mais faire prospérer son business ? Mieux encore nourrir sa famille ? Et pourtant quand il s’agit de financer l’agriculture et un autre secteur, le banquier fait vite son choix. Nous devons tous comprendre que c’est le secteur agricole qui maintient notre vie et notre équilibre mental et émotionnel. Allons à la tâche pour sauter tous les goulots d’étranglement dans le secteur pour éperonner le développement car nous savons ce qui nous est cher.
Tous les élites et dirigeants sont invités à casser les quatre murs, à sortir la tête avec plus d’audace et défendre ce qui nous est cher et plus utiles comme notre agriculture, notre santé et notre éducation. Le mythe de la géopolitique avec pour clé de voute, les grandes institutions supranationales font parfois trop de mal par leurs politiques14 et exigences financières.
L’enjeu reste la transformation, la création des chaines de valeur pour optimiser et capitaliser tous les manques à gagner par les investissements, mais aussi relever le pouvoir d’achat et développer les circuits courts de consommation.
Les Etats doivent intensifier le partenariat public privé pour créer la richesse mais aussi augmenter beaucoup plus le budget annuel alloué au secteur agricole pour dépasser les 10%15 et aller au moins à 15% du budget compte tenu de sa dimension multi sectorielle : industrie, santé, commerce, éducation.
Les institutions bancaires doivent avoir plus de souplesse dans les garanties pour le secteur agricole.
Avec 60% de terre cultivables inexploitées16, avec plus 530 millions de petits producteurs agricoles et une diversité de cultures l’Afrique a beaucoup à gagner dans le développement de l’agroforesterie, l’agroécologie, et l’agriculture biologique. Aussi, devons-nous comprendre qu’il n’y a pas que l’agriculture qui doit devenir plus durable, mais l’ensemble de la société avec plus de considération à la dignité humaine.

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