Quels Produits Locaux Pour une Consommation Locale?

INTRODUCTION

La zone Union Economique Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) a enfin décrété à Ouagadougou le 06 Octobre 20204 un mois entier pour la consommation locale, le mois d’Octobre de chaque année qui sera célébré dans tous les pays de la zone. Une sorte de conscience collective qu’on peut qualifier de saut qualitatif d’une zone de pays francophones à économie à initiative entrepreneuriale faible comparativement aux pays anglophones.
Cette célébration loin de se résumer à des discours ou à des jeux artistiques sur les réseaux sociaux est une question de souveraineté et de santé publique pour tous les pays. Le nouveau premier ministre du Togo pour joindre l’acte à la parole vient renforcer l’idée de l’ancien ministre de l’agriculture, en instituant par décret les achats institutionnels lors des banquets et cocktails pour les cérémonies officielles. Mieux, les biens et services ne sont pas oubliés. Des plans sectoriels et un outil de suivi évaluation allant dans le sens de ce décret pour mesurer les impacts socioéconomiques sur la croissance et le développement endogène à la fin de l’année seraient encore très utiles pour permettre de relever les limites, ressortir les potentialités oubliées et aller à une échelle plus grande. Cependant, une question fondamentale mérite d’être posée : quels produits locaux agroalimentaires pour une consommation locale et garantir la santé des consommateurs et de notre environnement?

I- La longue marche de la consommation locale

‘’Je mange de l’igname, du manioc et du gari, le fonio, les légumes et fruits, le pain, des produits issus du terroir, je fais la consommation locale’’. Certes vrai, mais pas suffisant.
La décision des ministres du commerce de l’Union Economique Monétaire Ouest Africaine d’instituer un mois pour la consommation locale dans la zone ne serait pas fortuite mais plutôt une décision courageuse bien murie pour relancer les économies et sortir de la pauvreté. Elle rappelle au Togo les années 1980 avec le slogan « consommez produits togolais » sur les
1 Groupes d’Actions pour une Agriculture et un Environnement Durables
2 Réseau National des Acteurs de l’Agroécologie du Togo,
3 Entreprise de transformation de soja biologique en tourteau de soja et huile de soja biologique basée à Lomé
4 http://www.uemoa.int/pt-pt/reunion-ouagadougou-des-ministres-en-charge-du-commerce-dans-les-etats-membres-de-l-union

bandes publicitaires et visuelle des médias. On peut aujourd’hui se demander à quel niveau seraient nos économies si cette vision, ce courage politique ne s’était pas estompé mais plutôt matérialisé et approprié dans tous les projets et programmes ? Les avantages économiques, les arguments et la portée du consommer local dans un pays sont connus de nos économistes et acteurs de la société civile. Mais il a fallu seulement quelques mois pour que cette campagne togolaise des années 80 s’éteigne et pour cause, les APE, accords de partenariat économique dans un contexte de libéralisme, les intérêts individuels de certains concitoyens bien positionnés qui voyaient dans ces accords des opportunités d’affaires mais aussi cette conscience chétive des citoyens à courir derrière la civilisation étrangère. Les conséquences de ce revers politique sont le manque d’initiative, le retard dans l’entreprenariat, le chômage et une économie extravertie5 liée à la forte dépendance de l’Union aux exportations des matières premières agricoles et minières non transformées sans soubassement endogène.
Il a fallu des années pour que cette flamme de la consommation locale ne soit ravivée par les acteurs de la société civile et l’ONG OADEL6 est l’un des pionniers.
En Octobre 2020, la consommation locale n’est plus mise en avant par un seul pays mais par toute une zone économique, un ensemble de pays qui veut mener l’offensive en bloc. Un pas de géant sous régional mais qui semblerait une évidence économique que chaque pays devrait instituer et soutenir il y a longtemps.
Tout le souhait qu’on puisse formuler est une progression soutenue avec des leaders charismatiques qui puissent mettre en place des institutions fortes et outils appropriés pour protéger et accompagner cette politique dans l’intérêt de tous les citoyens de la zone.

II- Les produits locaux agroalimentaires transformés et conditionnés pour un accent particulier

La consommation de produits locaux ne se limite pas qu’aux produits agroalimentaires mais également prend en compte les biens et services locaux. Elle ne concerne pas que les consommateurs qui doivent dans les marchés faire le choix des produits locaux. Elle concerne aussi les transformateurs qui fournissent les produits conditionnés et aussi les modes de transport qui prennent en compte les dimensions de la protection de l’homme et de la nature. Un accent particulier doit être mis sur les produits locaux transformés et conditionnés.
Un constat est la pullulation sur le marché des produits de synthèse qui sont des additifs alimentaires parfois non recommandés. Les entrepreneurs locaux qui offrent des produits transformés et conditionnés ont tendance à http://www.marchedestitrespublics.com/zone-uemoa-vue-densemble-des-performances-%C3%A9conomiques-des-8-pays Organisation pour l’Alimentation et le Développement Local mise en place en …….
imiter les industriels d’ailleurs en installant des arrières cours dans leur unité de production ou de transformation pour livrer des produits non recommandés par l’utilisation des additifs exhausteurs de goût, des conservateurs, des colorants, des accélérateurs de maturité qui sont des aromates tensioactifs. Beaucoup de ces produits de synthèse interdits sous d’autres cieux, sont encore déversés dans nos pays pour utilisation rendant nos aliments de mauvaise qualité.
La plupart des unités de transformation étant dans l’informel, ne se font pas contrôlés par les équipes techniques appropriées. Encore que les équipes ou unités de contrôle disposent de tous les équipements et matériels de laboratoire digne de ce nom pour contrôler les structures qui se sont formalisées ou les produits importés conditionnés qui rentrent dans nos pays. Ce qui n’est pas le cas. Les entrepreneurs locaux sont interpelés par cette politique de consommer local et sont appelés à aller vers les alternatives qui sont des additifs naturels répondant à l’éthique recommandé par le bio et mieux, le commerce équitable.

III- Le label bio local Pourquoi devons-nous manger local dans un contexte de changement climatique et de prolifération des maladies ?

Les raisons sont multiples. Nous devons manger local :
➢ Pour rester dans les circuits courts de distribution car les longs circuits font intervenir les produis synthétiques de conservation et l’utilisation des hydrocarbures épuisables qui sont des sources d’énergie épuisables non renouvelables dans les modes de transport,
➢ Pour s’assurer de l’origine des produits et des acteurs qui mettent ces produits à la disposition des consommateurs,
➢ Manger des produits naturels venus des entrailles de la terre et non des produits synthétiques artificiels des laboratoires,
➢ S’assurer du goût original et naturel du produit,
➢ Bénéficier de tous les apports en vitamines et sels minéraux pour maintenir et préserver notre santé,
➢ Protéger notre économie dans un développement endogène,
➢ Susciter les initiatives entrepreneuriales,
➢ Créer de l’emploi et réduire le chômage,
 Donner du revenu aux paysans et transformateurs locaux et lever leur niveau de vie
 Assurer une bonne santé des populations
Autant de raisons motivent la consommation locale mais tous les produits locaux malheureusement ne répondent pas aux normes. Même les systèmes culturaux adoptés veulent rentrer dans la logique productiviste industrielle par l’utilisation des intrants de synthèse.

L’alternative pour résoudre durablement ces problèmes et répondre aux principes du consommer local est d’aller vers un label bio local avec le prix adéquat sur le marché. Le Système Participatif de Garantie (SPG)7.
Les produits certifiés biologiques sous entendent un respect des normes ou de procédures établies par un ensemble d’acteurs et qui garantissent la confiance entre les produits et les consommateurs. Le non utilisation des engrais pour les produits en une saison donnée ne suffit pas pour proclamer un produit biologique. L’auto proclamation d’un produit bio n’établit pas non plus cette crédibilité au produit pour le faire vendre sous le label bio.
Ces normes sur la base des principes de l’agriculture biologique mondialement établies sont appelés à être adaptés au contexte local par un ensemble d’acteurs en fonction du marché. Elles exigent la transparence, la documentation, l’horizontalité dans les prises de décision pour garantir la confiance. Depuis la production jusqu’au marché, un système de contrôle doit être établi en fonction des cahiers de charges préétablis par les acteurs qui à la fin déclarent le produit bio par un label. C’est le système participatif de garantie SPG qui est une certification bio de groupe. Tous les consommateurs qui font confiance au label font confiance au produit. Ceci permet d’éviter que le bio soit galvaudé par auto proclamation d’un produit dans un coin de la rue. Il assure également notre souveraineté pour une consommation locale en évitant que des experts extérieurs ne viennent déclarer notre produit bio avant qu’il ne soit.
L’alternative SPG existe déjà à travers des initiatives et mérite d’être connue de tous pour son aboutissement. Elle demande tout simplement de la volonté et de la disponibilité pour mettre en place les normes et faire le contrôle des produits. Elle demande une action citoyenne, la participation et la contribution de chaque acteur, peu importe le niveau d’étude. Le bio local porte également dans les vêtements, les chaussures, l’art de la peinture et autres. Plusieurs fermes agro écologiques existent sur l’ensemble du territoire et des producteurs individuels se donnent chaque jour aux bonnes pratiques agricoles respectueuses de l’homme et de la nature pour fournir des produits sains sur le marché. Ils ne demandent que la contribution des autres acteurs pour aller vers le label bio local.
Sur le marché, les consommateurs doivent faire le bon choix pour faire de nos aliments une source de santé.

Conclusion

Il y a deux axes forts qui doivent servir de moteur pour le consommer local. La décision politique et l’engagement citoyen. http://www.fondation-nature-homme.org/sites/default/files/publications/150215_vp21-systemes-participatifs-garantie.pdf
La consommation locale est un sujet qui concerne chaque citoyen et ne doit plus se limiter dans le temps. Cela doit s’inscrire dans les cultures et habitudes de tous les jours, mieux un réflexe qui doit trouver sa racine épinière dans la vision et l’orientation politique. Le grand voisin de l’est, le Nigéria n’hésite pas à fermer ses frontières contre l’importation des produits européens sur son territoire par ses pays voisins en dépit des cris et interpellations. Il reste le pays qui conteste au mieux les APE pour défendre ces intérêts dans une orientation politique. Vivement que tous les experts nationaux des pays de l’UEMOA qui ont en charges ces dossiers sur les accords de partenariat économiques puissent sortir des quatre murs que sont les cadres théoriques économiques lors des prochains accords pour aller vers une adéquation vision politique et développement endogène. La nouvelle vision politique doit protéger et accompagner le made in Togo par un plan national stratégique dans tous les secteurs concernés. La création d’emploi, la réduction du chômage et le bien-être des citoyens ne viendront que par là.
Tous les citoyens doivent se retrouver dans cette nouvelle vision des pays de l’UEMOA et les plans stratégiques sectoriels. Dans le consommer local, s’enracine un développement endogène tant attendu car la consommation crée le marché, le marché tire la production, la production créé la richesse et la richesse, la vraie croissance.

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